La Mycoplasma pneumoniae resistante chez lenfant

Abstract

Question Une enfant de 5 ans est vue à notre clinique et présente un tableau clinique conforme à une pneumonie acquise dans la communauté. On lui prescrit un traitement avec de l’amoxicilline et de l’azithromycine, mais elle reste fébrile et revient à la clinique 3 jours plus tard. La famille revenait tout juste d’un voyage au Japon. Quelles sont les récentes données probantes accessibles concernant le traitement de la pneumonie due à la Mycoplasma pneumoniae résistante aux macrolides?

Réponse Les taux de la M pneumoniae résistante aux macrolides (MPRM) sont à la hausse dans le monde, et son incidence est surtout élevée en Chine, au Japon et à Taïwan. La plupart des données probantes concernant les enfants préconisent le recours aux tétracyclines pour la MPRM, et des données factuelles plus limitées pointent vers les fluoroquinolones pour cette indication. Les enfants qui souffrent d’une pneumonie due à la M pneumoniae et qui ont des antécédents de voyages récents dans des pays où les taux de résistance sont élevés ou dont l’état ne s’améliore pas dans les 48 à 72 heures suivant un traitement aux macrolides devraient recevoir 2 mg/kg de doxycycline par voie orale 2 fois par jour (maximum de 100 mg par dose).

La pneumonie acquise dans la communauté (PAC) est une infection des voies respiratoires inférieures causée à la fois par des virus et des bactéries qui est communément traitée par des professionnels des soins de santé communautaires1. Le tableau clinique chez les enfants comprend principalement de la fièvre et de la toux, mais peut aussi inclure un malaise, un faible appétit, des difficultés respiratoires et des douleurs thoraciques2. Le Streptococcus pneumoniae demeure la cause bactérienne la plus courante de la PAC, et les lignes directrices recommandent l’amoxicilline comme traitement de première intention1,2. En l’absence d’améliorations cliniques chez un enfant dans les 48 à 72 heures suivant le traitement de première intention, les médecins devraient envisager d’autres causes, y compris des sources incontrôlées d’infection et d’autres pathogènes, notamment la Mycoplasma pneumoniae1.

Les PAC causées par la M pneumoniae sont très courantes, principalement chez les enfants de 5 à 15 ans, et des épidémies cycliques se produisent tous les 3 à 6 ans environ3. En plus d’être impliquée dans la pneumonie, la M pneumoniae l’a aussi été dans des complications extrapulmonaires, y compris l’encéphalite, l’anémie hémolytique et des manifestations dermatologiques4. Au début de l’été 2024, il s’est produit une hausse notable du nombre d’infections causées par la M pneumoniae par rapport à l’année précédente, dans diverses régions du Canada5,6.

La M pneumoniae est résistante aux antibiotiques β-lactamines comme l’amoxicilline. Le traitement d’une PAC due à la M pneumoniae inclut plutôt des soins de soutien (hydratation, prise en charge des symptômes) et des antibiotiques macrolides, notamment un traitement de 5 jours avec de l’azithromycine, qui est le schéma thérapeutique le plus courant1. Au cours des 2 dernières décennies, l’émergence de mutations conférant une résistance aux macrolides a compliqué le traitement, ce qui a nécessité d’autres antibiothérapies7.

La résistance aux macrolides

On a signalé la résistance de la M pneumoniae aux macrolides pour la première fois au Japon en 2000, et elle est de plus en plus rapportée dans le monde entier, des taux de résistance aussi élevés que 79 % étant rapportés en Chine7. Dans les régions de la Chine où la M pneumoniae résistante aux macrolides (MPRM) se développe depuis des décennies, l’incidence de la pneumonie sévère due à la M pneumoniae a elle aussi augmenté8. Même si les taux de résistance au Canada ne sont pas bien décrits, les cliniciens devraient soupçonner une telle résistance chez des patients revenant de pays comme la Chine, le Japon et Taïwan, où la résistance est prévalente, ou encore chez ceux dont la fièvre persiste au-delà de 48 à 72 heures après un traitement aux macrolides7. Parmi les options thérapeutiques courantes de substitution des macrolides se trouvent les tétracyclines et les fluoroquinolones.

Les tétracyclines

Les cliniciens devraient envisager la classe des tétracyclines, y compris la doxycycline et la minocycline, comme option de rechange dans le traitement de la MPRM. Les tétracyclines inhibent la synthèse de la protéine bactérienne, et leur efficacité a été éprouvée contre la MPRM9. Dans une étude prospective multicentrique réalisée au Japon auprès de 176 enfants atteints de la MPRM diagnostiquée en fonction des symptômes, des radiographies thoraciques et des résultats du test de la réaction en chaîne par polymérase, l’identification de la résistance aux macrolides a été effectuée par une culture des spécimens bactériens et la détection des gènes de la résistance. Une défervescence en 24 heures a été observée considérablement plus souvent quand une tétracycline était utilisée par rapport à des macrolides ou la tosufloxacine (une fluoroquinolone accessible au Japon) (57,7 à 81,3 % c. 30,8 %; p=,03)10. Une récente méta-analyse de 11 études de cohortes et d’essais contrôlés randomisés, portant sur 1143 enfants en Chine, au Japon et en Corée atteints d’une MPRM et traités soit avec des macrolides ou des tétracyclines, a fait valoir que le traitement avec des macrolides était associé à une efficacité thérapeutique sensiblement plus faible (rapport de cotes=0,33, IC à 95 % de 0,20 à 0,57)9, efficacité qui était définie comme étant le taux d’atteinte d’un rétablissement clinique avec fièvre, l’amélioration ou la disparition de la toux et des valeurs de tests en laboratoire améliorées (ou normales)9. Le traitement avec des macrolides était aussi associé à une durée de la fièvre sensiblement plus longue (différence moyenne pondérée=1,64 jour) par rapport aux tétracyclines. La durée du traitement avec des tétracyclines variait considérablement d’une étude à l’autre, allant de 2 à 10 jours9,10.

Les fluoroquinolones

Une autre classe d’antibiotiques agit contre la MPRM. Les ouvrages scientifiques favorables au recours aux fluoroquinolones pour la MPRM sont moins robustes que ceux qui préconisent l’utilisation des tétracyclines pour la MPRM chez les enfants, la plupart de ces études portant sur des adultes. Une série de cas sur 6 enfants en Chine qui ont été traités pour une MPRM pendant 10 jours utilisait de 8 à 10 mg/kg de lévofloxacine 2 fois par jour par voie orale chez des enfants de moins de 5 ans et une fois par jour chez des enfants de 5 ans ou plus11. Le temps nécessaire pour la défervescence était de 1 à 2 jours chez les enfants traités avec la lévofloxacine.

Une méta-analyse de réseau incluant 85 études, dont 82 ont été effectuées en Chine, comparait différentes antibiothérapies pour la M pneumoniae chez les adultes et les enfants12. L’utilisation d’une fluoroquinolone et d’une tétracycline s’est traduite par une période plus courte pour atteindre la défervescence par rapport aux macrolides; par ailleurs, il n’y avait pas de bienfaits statistiquement significatifs en faveur des tétracyclines ou des fluoroquinolones lorsqu’elles étaient comparées les unes avec les autres12.

L’innocuité chez les enfants

Tant les tétracyclines que les fluoroquinolones sont liées à des préoccupations quant à l’innocuité lorsqu’elles sont utilisées chez des enfants. Alors qu’il est connu que la tétracycline se lie au calcium dans les dents et les os en développement et peut causer des taches permanentes sur les dents, soulevant ainsi des inquiétudes pour les enfants de moins de 8 ans, l’attraction plus faible de la doxycycline pour le calcium porte à croire à un risque moins élevé de cet effet secondaire. Dans une étude rétrospective auprès de 58 enfants qui recevaient de la doxycycline pour la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses, on n’a signalé aucun cas de taches dentaires induites par la doxycycline ou d’hypoplasie de l’émail13. D’autres études rétrospectives sur l’utilisation de la doxycycline chez des enfants n’ont trouvé aucune association avec des taches sur les dents14,15, ce qui a incité la Société canadienne de pédiatrie et l’American Academy of Pediatrics à appuyer son utilisation pour des régimes de moins de 21 jours chez des enfants de moins de 8 ans, lorsque cet usage est indiqué16,17.

Les fluoroquinolones sont habituellement évitées chez les enfants plus jeunes en raison des préoccupations entourant la résistance aux antibiotiques des organismes Gram négatifs et de leurs effets indésirables sévères, y compris la toxicité sur les cartilages. Un essai comportant une surveillance durant 1 année auprès de 2230 enfants a signalé, tôt dans le traitement, une incidence accrue des événements indésirables musculosquelettiques, le plus souvent une arthralgie, chez les enfants traités avec des fluoroquinolones, mais cet effet n’était pas présent comme paramètre lors du suivi à 1 an18. Une méta-analyse de 10 études n’a trouvé aucune différence statistiquement significative dans les dommages aux os et aux muscles entre les enfants ayant reçu des fluoroquinolones et ceux n’en ayant pas pris (risque relatif=1,145; IC à 95 % de 0,974 à 1,345)19. Par ailleurs, étant donné les autres effets indésirables possibles et le risque accru d’une résistance aux antibiotiques, les fluoroquinolones sont réservées aux cas où les tétracyclines ne sont pas indiquées.

La pneumonie réfractaire due à la M pneumoniae

Ce type de pneumonie chez les enfants se caractérise par une fièvre persistante et une aggravation des symptômes malgré une antibiothérapie appropriée pendant au moins 7 jours20. La compréhension actuelle du mécanisme de la M pneumoniae réfractaire est une réaction immunitaire excessive de l’hôte plutôt qu’un dommage microbien direct, ce qui pourrait ou non être associé à des souches résistantes20. Les régimes thérapeutiques varient, mais les corticostéroïdes sont souvent utilisés chez les patients hospitalisés pour améliorer les issues cliniques, notamment une disparition plus rapide de la fièvre et un séjour plus court à l’hôpital20. Les patients pédiatriques qui présentent une détresse respiratoire sévère, des complications extrapulmonaires ou des symptômes persistants malgré un traitement approprié devraient être dirigés vers un niveau de soins plus élevé.

Conclusion

La prévalence accrue de la MPRM dans le monde a compliqué sa prise en charge et exige des cliniciens qu’ils envisagent des stratégies thérapeutiques différentes. Les enfants souffrant de pneumonie qui sont pris en charge en clinique externe devraient continuer à recevoir de l’amoxicilline comme traitement de première intention, parce que la plupart des cas sont causés par le S pneumoniae. Pour les patients chez qui la M pneumoniae est soupçonnée, l’azithromycine demeure le traitement de première intention; par ailleurs, les cliniciens devraient envisager la doxycycline pour les patients qui ont récemment voyagé dans des régions où les taux de résistance sont élevés et dont la fièvre persiste au-delà de 48 à 72 heures après avoir commencé un macrolide. Les fluoroquinolones devraient être réservées aux cas chez qui les tétracyclines sont contre-indiquées en raison de leur risque d’effets indésirables sérieux et de la contribution à la résistance aux antimicrobiens. À mesure que les tendances dans la résistance de la M pneumoniae évoluent, un recours judicieux aux antibiotiques est essentiel pour éviter le développement d’une plus grande résistance.

Notes

Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à http://www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. La Dre Caeleigh Smith, Karin Ng, la Dre Kendra Sih et le Dr Alastair Mcalpine sont membres et le Dr Ran D. Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.

Footnotes

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

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