Pour une representation fidele de la diversite des communautes autochtones au Canada dans les nouvelles cohortes detudiantes et detudiants en medecine [Commentaire]

Points clés

Les étudiantes et étudiants autochtones vivant dans des réserves et dans des communautés rurales ou nordiques sont encore sous-représentés dans les facultés de médecine canadiennes, ce qui contribue probablement fortement à la persistance des iniquités en santé dans ces communautés.

La combinaison du désavantage socioéconomique, des obstacles géographiques pour accéder à l’enseignement postsecondaire exigé, et du manque d’exposition précoce aux carrières dans le domaine de la santé contribuerait à ce problème.

L’amélioration de la représentation devrait commencer par l’adoption d’une approche fondée sur les distinctions dans le recrutement des étudiantes et étudiants autochtones en faculté de médecine, ainsi que par la mise au point d’interventions de recrutement en amont pour aider les étudiantes et étudiants tout au long du processus de préparation à la candidature.

La création de partenariats entre les principales parties prenantes de la formation en médecine sera cruciale pour favoriser l’acceptation des candidatures d’étudiantes et étudiants autochtones qui proviennent de communautés rencontrant le plus grand nombre d’obstacles à une carrière médicale, tout en ayant le plus besoin de médecins autochtones.

Il est de plus en plus évident que les chances d’intégrer une faculté de médecine canadienne sont beaucoup plus minces pour les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les Autochtones vivant dans des communautés rurales et nordiques que pour leurs homologues citadins. Cette disparité souvent méconnue contribue probablement à des iniquités persistantes en santé et pourrait expliquer le nombre si faible de médecins autochtones exerçant dans ces communautés.

L’accès aux soins de santé pour les peuples autochtones reste de loin inférieur à l’accès pour le reste de la population canadienne, particulièrement au sein des communautés autochtones situées en dehors de nos agglomérations. En 2023, seulement 18,4 % des Inuits et 49,6 % des membres de Premières Nations vivant à l’écart des agglomérations avaient un fournisseur régulier de soins de santé, contre 69,9 % des personnes non autochtones vivant dans les mêmes régions1. De telles disparités sont indissociables de l’exclusion historique des Autochtones du secteur de l’éducation en santé, les empêchant de produire leurs propres spécialistes de la santé. En 2019, on ne recensait que 1 médecin autochtone dans les Territoires du Nord-Ouest — alors que les Autochtones représentent 50 % de la population du territoire2.

Afin de contrer ce problème, les facultés de médecine ont mis au point plusieurs stratégies pour augmenter la représentation autochtone dans les nouvelles cohortes, dont la création de volets de demandes d’admission dédiés et l’évaluation plus holistique des candidatures. S’il est important d’améliorer le processus d’admission, cette démarche ignore un problème fondamental: les étudiantes et étudiants autochtones qui visent une carrière médicale rencontrent la grande majorité de leurs obstacles et difficultés longtemps avant leur demande d’admission en faculté de médecine.

Un déterminant primaire excluant la plupart des étudiantes et étudiants autochtones des études de médecine est le prérequis d’études universitaires de premier cycle. D’après les données du Recensement du Canada de 2021, 12,9 % des Autochtones détiennent un baccalauréat ou un diplôme d’études supérieures, contre 32,9 % du reste de la population canadienne3. Cet obstacle freine de manière disproportionnée les étudiantes et étudiants d’origine inuite et des Premières Nations, vivant dans des réserves ou provenant de régions rurales et nordiques. Seulement 6,2 % des personnes inuites et 6,1 % des membres de Premières Nations vivant dans une réserve obtiennent un baccalauréat, comparativement à 15,8 % des personnes métisses et à 13,3 % des membres de Premières Nations vivant ailleurs sur le territoire3. Par conséquent, les interventions en aval, comme les volets de demandes d’admission dédiés, ont mené à une hausse substantielle de l’admission de personnes métisses, mais pas des membres de Premières Nations ni des personnes inuites4. En raison du manque de données publiées sur les inscriptions d’Autochtones et de l’absence d’une approche fondée sur les distinctions bien définie pour les volets de demandes d’admission dédiés, l’homogénéité des Autochtones qui entreprennent des études en médecine est sous-estimée. Des responsables de la formation médicale en santé autochtone ont réagi en appelant les facultés de médecine à mettre en place des nombres minimums d’inscriptions de personnes candidates métisses, inuites et des Premières Nations dans chaque cycle — une recommandation en grande partie ignorée5.

Des articles portant sur des sondages d’étudiantes, d’étudiants et de médecins autochtones provenant de régions rurales et nordiques citent souvent la faiblesse relative du statut socioéconomique moyen, l’isolement géographique rendant l’enseignement postsecondaire plus difficile d’accès, le sousfinancement des écoles secondaires et le manque de services d’orientation parmi les principaux obstacles à la poursuite d’une carrière en médecine2. La somme de ces obstacles réduit fortement les chances de certaines personnes appartenant à des groupes autochtones d’entrer en faculté de médecine. Cette explication est étayée par une étude menée pendant 10 ans à l’École de médecine du Nord de l’Ontario, qui a montré que les personnes candidates autochtones provenant d’un milieu rural étaient 50 % moins susceptibles d’obtenir une entrevue et 30 % moins susceptibles d’être admises, comparativement à leurs homologues citadins6.

Il est capital de reconnaître et de corriger cette tendance de sous-représentation pour améliorer l’accès des étudiantes et étudiants autochtones aux études de médecine. Le recours par les facultés de médecine à une approche fondée sur les distinctions pour recruter ces candidates et candidats est important, non seulement pour favoriser la diversité et l’inclusion dans le corps médical, mais aussi pour remplir leur mission de responsabilité sociale et de défense des intérêts des communautés servies7.

Afin d’accroître la diversité fondée sur les distinctions des personnes inscrites autochtones, il faut trouver d’autres interventions pour faire augmenter le nombre de candidatures provenant de groupes autochtones exclus de façon disproportionnée des bassins de candidatures6. Des chercheuses et chercheurs soutiennent que les interventions en amont — programmes de sélection, interventions communautaires et mentorat — ont un retentissement supérieur sur la diversité des promotions que les interventions ciblant la phase de candidature dans le parcours vers la faculté de médecine6,8. Afin d’améliorer substantiellement la représentation de tous les groupes autochtones dans les écoles de médecine, les programmes devraient être conçus pour accroître l’exposition des étudiantes et étudiants autochtones aux professions médicales, les encourager et les aider à accéder à l’enseignement postsecondaire et réduire les disparités dans la réussite scolaire dès le plus jeune âge9. L’Université de Calgary a mis en œuvre avec succès le programme Pathways to Medicine Scholarship, un programme de promesse d’admission qui fournit des bourses d’études à des élèves autochtones du secondaire défavorisés pour suivre les études universitaires de premier cycle requises, se préparer à l’épreuve d’admission aux études de médecine, faire des stages d’été, participer à des programmes de jumelage et bénéficier d’un soutien pédagogique et personnel général9. L’Université Queen’s et l’Université d’Ottawa ont récemment conçu des programmes de sélection semblables, qui sont axés sur les interventions en amont, dont l’exposition précoce aux carrières dans le domaine de la santé et la préparation proactive des étudiantes et étudiants en vue de répondre aux critères d’admission; le deuxième programme octroie également 2 places entièrement financées aux étudiantes et étudiants inuits du Nunavut10,11. Par ailleurs, l’Université de l’Alberta a récemment supprimé le quota fixe de personnes autochtones admises par cohorte pour plutôt accepter l’ensemble des candidatures recevables12.

Afin d’améliorer la situation dans tout le pays, la prochaine étape sera la mise en œuvre de programmes aussi complets, combinant les avantages des interventions en amont et en aval, dans chaque province. Dans les exemples précédents, des partenariats ont été formés entre les facultés de médecine, des travailleuses et travailleurs de la santé, des communautés autochtones et les gouvernements pour planifier, financer et exécuter les programmes. Les programmes devraient combiner les ressources, l’infrastructure et l’expertise de ces partenaires à l’échelle régionale et provinciale. Ainsi, chaque communauté autochtone pourra revendiquer activement ses besoins uniques et participer à la mise en œuvre de ces initiatives. S’ils peuvent s’inspirer des interventions en amont existantes, les partenaires devraient aussi former un groupe de travail en vue de déterminer les initiatives les mieux adaptées à leurs besoins changeants, capacités et objectifs prioritaires. Afin d’assurer la progression constante des activités, les partenaires devraient évaluer régulièrement la réussite des interventions en place. En outre, les facultés de médecine devraient commencer immédiatement à collecter et à déclarer annuellement des données robustes sur la représentation fondée sur les distinctions dans les cohortes entrantes, conformément aux recommandations de l’Association des facultés de médecine du Canada5.

La mise en œuvre d’interventions en amont et d’objectifs fondés sur les distinctions sera fondamentale pour soutenir les communautés autochtones, dont les membres rencontrent le plus d’obstacles dans la poursuite d’une carrière médicale, tout en ayant le plus besoin de médecins autochtones. En outre, les efforts d’amélioration de la diversité doivent éviter la tentation de la mesure de la réussite basée uniquement sur les augmentations récentes du total d’inscriptions de personnes autochtones. La diversité des communautés autochtones du pays doit plutôt être reconnue; en effet, sans efforts actifs pour assurer cette diversité dans les facultés de médecine, les iniquités risquent d’être perpétuées, et non réduites.

Footnotes

Intérêts concurrents: Aucun déclaré.

Cet article a été révisé par des pairs.

Collaborateurs: Nicholas Brisebois a contribué à l’élaboration et à la conception du travail et a rédigé le manuscrit. Nicole Cardinal en a révisé de façon critique le contenu intellectuel important. L’autrice et l’auteur ont donné leur approbation finale de la version soumise pour publication et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.

Traduction et révision: Équipe Francophonie de l’Association médicale canadienne

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