Notification de la densite mammaire: Les medecins de famille sont-ils prets a conseiller les patientes sur les risques et la prise en charge?

Une meilleure compréhension de l’importance de la densité mammaire comme facteur de risque de cancer du sein a incité un certain nombre de programmes provinciaux et territoriaux de dépistage à communiquer directement aux femmes leurs résultats de tests de la densité mammaire. Sept provinces canadiennes informent toutes les femmes de leur densité mammaire. La Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador se sont engagées à mettre en œuvre la notification de la densité. Les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon n’avertissent que les femmes dont la densité mammaire est extrêmement élevée, tandis que le Québec n’informe aucune femme de la densité de leurs seins. Il n’y a pas de programme de dépistage au Nunavut1. Le 9 mars 2023, la Food and Drug Administration des États-Unis imposait l’implantation nationale du signalement de la densité mammaire aux patientes et à leurs professionnels de la santé, et ce, dans un délai de 18 mois2. Ces changements systémiques feront en sorte que de nombreuses femmes se tourneront vers leur médecin de famille pour obtenir plus de renseignements sur la densité mammaire. Il est bien connu que les médecins de famille ne sont pas certains des pratiques exemplaires lorsqu’il s’agit de discuter de la densité mammaire et de prendre en charge les femmes qui ont les seins denses3,4. Puisque la notification de la densité mammaire devient presque universelle, il est temps que les médecins de famille se préparent adéquatement à conseiller les Canadiennes au sujet de la densité mammaire, des risques inhérents aux seins denses et de la prise en charge appropriée.

La densité mammaire : définitions et risques

La proportion de tissu fibroglandulaire dans les seins denses est plus élevée que celle du tissu adipeux5. La densité mammaire ne peut pas être déterminée autrement que par un dépistage par mammographie, parce qu’il n’est pas possible de connaître la densité fibroglandulaire en se fiant à l’apparence, à l’examen clinique ou à la taille des seins. La densité peut être exprimée sous forme de pourcentage ou en fonction des catégories du Système de rapports et de données sur l’imagerie mammaire de l’American College of Radiology (Figure 1)1,6 : A pour le tissu faiblement dense, surtout adipeux; B pour les zones dispersées de densité fibroglandulaire; C pour le tissu de densité hétérogène; et D pour le tissu extrêmement dense. La catégorie D correspond à une densité de plus de 75 %. Les seins qui appartiennent aux catégories C et D sont considérés comme denses et, selon des estimations aux États-Unis, ces catégories sont observées chez environ 40 % des femmes âgées de 40 à 74 ans7. La densité mammaire a tendance à diminuer avec le temps : près de 60 % des femmes dans la quarantaine ont une densité mammaire élevée par rapport à environ 25 % des femmes dans la soixante-dizaine7. Par ailleurs, la densité mammaire ne s’estompe pas avec l’âge chez toutes les femmes, et il est plus probable que celles dont la densité des seins ne décroît pas avec le temps reçoivent un diagnostic de cancer du sein8. Même si de nombreux facteurs non modifiables, comme la génétique et la race (p. ex. origines asiatiques) contribuent à la densité mammaire, des facteurs modifiables comme l’exposition aux hormones (p. ex. utilisation de la pilule contraceptive, hormonothérapie), la consommation d’alcool et l’alimentation contribuent aussi à une densité mammaire plus élevée9.

Figure 1.Figure 1.Figure 1.

Catégories de densité mammaire : Le Système de rapports et de données sur l’imagerie des seins de l’American College of Radiology pour la gradation de la densité mammaire. A, désigne un tissu de faible densité, surtout adipeux; B, un tissu avec des zones dispersées de densité fibroglandulaire; C, un tissu de densité hétérogène; et D, un tissu extrêmement dense6.

Les risques que posent les seins denses se divisent en 3 volets. Premièrement, les seins extrêmement denses confèrent un risque de cancer du sein plus élevé que le risque posé par le fait d’avoir une parente du premier degré affectée par un cancer du sein10. Le risque de cancer du sein augmente avec la densité mammaire, et le risque pour les femmes dont la densité mammaire est de catégorie D est de 4 à 6 fois plus élevé que celui des femmes dont les seins sont surtout composés de tissu de faible densité11,12. Deuxièmement, les cancers du sein sont masqués par le tissu fibroglandulaire dans les seins denses, ce qui rend le dépistage par mammographie bien moins efficace pour détecter les cancers13. Seuls les cancers avec calcification ou distorsion architecturale seront visibles à une mammographie du tissu mammaire dense. La sensibilité de la mammographie des seins se situe à 98 % chez celles qui ont une densité de catégorie A, mais de seulement 50 % pour celles dont la densité est de catégorie D14. Enfin, les femmes dont les seins sont extrêmement denses sont donc de 5 à 13 fois plus susceptibles de présenter des cancers d’intervalle, c’est-à-dire des cancers trouvés après des résultats normaux à la mammographie et dont le pronostic est plus défavorable qu’un cancer détecté au dépistage15.

Déterminer la prise en charge optimale

Il est suggéré que les femmes admissibles au dépistage qui ont des seins extrêmement denses subissent une mammographie annuelle pour réduire le risque d’un « sous-diagnostic » et de cancers d’intervalle16,17. Parmi les autres modalités d’imagerie qui sont efficaces pour les seins denses figurent l’échographie, la tomosynthèse mammaire numérique, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) avec produit de contraste et l’angio-mammographie18. L’accompagnement de la mammographie de dépistage d’une IMR ou d’une échographie peut améliorer la détection du cancer du sein chez les femmes qui ont une densité mammaire de catégorie C ou D. L’imagerie par résonance magnétique en complément détecte 16 cancers du sein par 1000 dépistages après des résultats normaux à la mammographie chez des femmes aux seins denses, mais il peut être difficile pour les médecins de famille d’y avoir accès pour leurs patientes19,20. Le dépistage complémentaire par écographie détecte en moyenne 2 ou 3 cancers additionnels par 1000 femmes aux seins denses dont les résultats étaient normaux à la mammographie19, et 1 centre canadien a détecté 7 cancers de plus par tranche de 1000 dépistages chez des femmes aux seins denses21. La décision de mener un dépistage complémentaire chez les femmes aux seins denses devrait être partagée et fondée sur les préférences de la patiente. Les discussions devraient porter non seulement sur les bienfaits, mais aussi sur les risques, comme la possibilité de rappels et de biopsies négatives. À l’heure actuelle, le dépistage complémentaire par échographie est financé en Colombie-Britannique et en Alberta pour les femmes dont la densité mammaire est de catégorie C ou D; à l’Île-du-Prince-Édouard pour les femmes ayant une densité de catégorie D; et au Québec pour les femmes qui ont une densité de catégorie D et des antécédents familiaux de cancer du sein1,22. Santé Ontario a récemment recommandé un dépistage complémentaire financé publiquement comme mesure auxiliaire à la mammographie chez les personnes dont la densité mammaire est extrêmement élevée23.

L’outil d’évaluation du risque de l’étude IBIS (International Breast Cancer Intervention Study) est très utile aux médecins de famille pour déterminer la prise en charge optimale des femmes aux seins denses24. Cet outil intègre la densité mammaire dans l’estimation du risque à vie d’une femme de développer un cancer du sein. Le risque à vie d’un cancer du sein est un élément important à inclure dans les discussions pour la prise de décision partagée avec les patientes au sujet des risques individuels et du dépistage du cancer du sein. Une échographie complémentaire devrait être sérieusement envisagée pour les femmes dont le risque à vie de développer un cancer du sein est de 15 % ou plus25. Les femmes sont acceptées dans le Programme ontarien de dépistage du cancer du sein à haut risque si leur risque à vie est de 25 % ou plus en se fondant sur leurs antécédents personnels et familiaux26.

Liste de contrôle pour la prise de décision partagée

Alors, que devraient faire les médecins de famille s’ils reçoivent un rapport de mammographie indiquant qu’une patiente a les seins denses? Que devrait dire un médecin de famille à une patiente qui est avisée directement de sa densité mammaire par un programme de dépistage et qui vient discuter de la question? La liste de contrôle suivante orientera les médecins de famille dans leurs conseils aux patientes qui ont les seins denses, et facilitera une prise de décision partagée et adéquatement éclairée :

Passer en revue les facteurs modifiables qui pourraient contribuer à la densité mammaire (p. ex. exposition aux hormones, alimentation).

Passer en revue les facteurs de risque modifiables susceptibles d’augmenter le risque de cancer du sein (p. ex. tabagisme, obésité après la ménopause, mode de vie sédentaire).

Expliquer le risque accru de cancer du sein chez les femmes aux seins denses.

Expliquer l’efficacité réduite de la mammographie de dépistage chez les femmes aux seins denses.

Encourager ces femmes à être conscientes de leurs seins et à agir aussitôt qu’elles détectent des changements.

Ne pas être rassuré par des résultats normaux à une mammographie récente si votre patiente aux seins denses consulte en raison d’un changement nouvellement observé à ses seins.

Prescrire un dépistage annuel par mammographie à toutes les femmes admissibles dont la densité mammaire est de catégorie D. Le dépistage annuel par mammographie est prévu automatiquement dans de nombreux programmes canadiens de dépistage, mais pas dans tous13.

Discuter des risques et des bienfaits d’un dépistage complémentaire. Les femmes qui ont des seins denses peuvent bénéficier d’examens par IRM ou échographie, de concert avec les mammographies.

Se familiariser avec l’outil de l’étude IBIS pour aider à quantifier le risque d’une personne24. Les femmes dont le risque à vie de cancer du sein est de 15 % ou plus peuvent être admissibles à des programmes de dépistage dans les cas de risque élevé, là où ces derniers sont accessibles26.

Footnotes

Intérêts concurrents

Aucun déclaré

Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.

Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.

This article is also in English on page 748.

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