Otalgie referee: Causes habituelles et strategies devaluation et de prise en charge fondees sur des donnees probantes

L‘otalgie est une douleur subjective localisée à l’oreille qui peut se classer en 2 sous-types : l’otalgie primaire et l’otalgie secondaire (aussi appelée référée). L’otalgie primaire est une douleur causée par une pathologie à l’intérieur de l’oreille interne, moyenne ou externe; elle est le plus souvent associée à des symptômes otologiques additionnels comme la perte auditive, l’acouphène, l’otorrhée ou le vertige1,2. L’otalgie secondaire résulte d’une pathologie non otologique, et près de 50 % des cas d’otalgie lui sont attribuables2. L’otalgie subjective en l’absence d’autres symptômes otologiques évoque fortement une cause secondaire. Quatre nerfs crâniens (NC V, NC VII, NC IX et NC X) et 2 nerfs cervicaux supérieurs (C2 et C3) contribuent à l’innervation sensorielle de l’oreille3. La convergence des voies neurales de l’oreille et d’autres organes fait en sorte qu’il existe de nombreuses causes potentielles de l’otalgie secondaire. Une évaluation rigoureuse des patients qui présentent une otalgie secondaire exige de bien comprendre les causes possibles de ce problème référé, y compris les cancers de la tête et du cou, les causes buccales et dentaires, comme un trouble temporo-mandibulaire (TTM), une pathologie de la colonne cervicale, une sinusite, une infection des voies aériennes supérieures et un reflux laryngopharyngien.

Description du cas

Une femme de 34 ans consulte en raison d’une otalgie du côté droit qui dure depuis 3 mois. Elle décrit cette douleur comme située en profondeur dans le canal auriculaire et quantifie son intensité comme variant de 3 à 6 sur 10. Elle dit ne pas avoir eu d’épisodes de perte auditive, d’otorrhée ou d’acouphène, ni d’odynophagie, de dysphagie ou de dysarthrie. Au nombre de ses antécédents médicaux figure la migraine, pour laquelle elle prend un triptan et des anti-inflammatoires. Elle n’a pas d’allergies ni d’antécédents familiaux de perte auditive à un jeune âge. Elle ne fume pas, prend habituellement 1 consommation d’alcool par semaine et n’utilise pas d’autres substances à des fins récréatives.

Sources de l’information

La revue se fonde sur les pratiques cliniques des auteurs, ainsi que sur des articles de recherche et des revues cliniques publiés entre 2000 et 2020. Une recension a été effectuée dans MEDLINE et PubMed à l’aide des expressions en anglais otalgia, referred otalgia et secondary otalgia. Les lignes directrices actuelles sur la prise en charge de l’otalgie référée ont été passées en revue. Les lignes directrices sur l’évaluation et la prise en charge de l’otalgie ont été publiées par Ely et ses collègues4; toutefois, ces lignes directrices ne portent pas précisément sur l’otalgie référée et incluent à la fois les causes primaires et secondaires de l’otalgie.

Message principal

Évaluation générale des patients. La première étape dans l’évaluation d’un patient souffrant d’otalgie devrait être de déterminer si la cause est primaire ou secondaire. En l’absence d’autres symptômes otologiques, comme la perte auditive, l’acouphène, l’otorrhée, le vertige ou des antécédents otologiques connus (p. ex. opération antérieure à l’oreille, infections récurrentes de l’oreille, antécédents de tubes auriculaires, radiation à la tête et au cou), une cause secondaire devrait être envisagée. Dans l’anamnèse du patient, les cliniciens doivent porter une attention particulière aux caractéristiques de la douleur du patient, à sa durée (évolution et tendance dans le temps), à la radiation aux structures avoisinantes et à l’emplacement de l’otalgie (localisée ou diffuse et la localisation)2. Dans l’établissement de la chronologie du problème du patient, les cliniciens doivent s’enquérir de l’apparition de la douleur, des facteurs ou déclencheurs qui y sont associés (p. ex. infection des voies aériennes supérieures, traumatisme crânien, intervention chirurgicale ou médicale récente) et de la durée des symptômes4. Un examen complet de la tête et du cou est d’une importance capitale et devrait être effectué chez tous les patients qui présentent une otalgie5, notamment une palpation du cou, un examen de la cavité buccale et de l’oropharynx, une rhinoscopie antérieure (qui peut être réalisée à l’aide d’un otoscope), un examen des nerfs crâniens et une otoscopie6. La membrane tympanique et les structures de l’oreille moyenne doivent être évaluées au moyen d’un otoscope, en accordant une attention particulière aux signes d’infection, aux effusions, à l’intégrité du tympan et au cholestéatome.

Cancers de la tête et du cou. Un cancer de la tête et du cou est le diagnostic le plus crucial à exclure chez les patients qui présentent des sources référées suspectées d’otalgie4. Il faut éliminer la possibilité de cancers émanant du nasopharynx, de l’hypopharynx, de l’oropharynx, de la cavité buccale et du larynx. Parmi les signaux d’alerte résultant de l’anamnèse qui devraient inciter les cliniciens à soupçonner un cancer, mentionnons une dysphonie (changements dans la voix), la dysphagie (difficulté à déglutir), l’odynophagie (déglutition douloureuse), la dyspnée (souffle court), une nouvelle masse dans le cou et des antécédents de tabagisme ou de consommation d’alcool4,7. Il est essentiel de procéder à un examen complet de la tête et du cou dans l’évaluation des patients chez qui un cancer est soupçonné. Dans les cas où un cancer est fortement suspecté, il y a lieu d’envisager une imagerie par tomodensitométrie (avec contraste) du cou (tissus mous) et une demande de consultation en otorhinolaryngologie pour une évaluation par nasopharyngoscopie flexible.

Lésions aux muqueuses buccales. Des lésions bénignes et malines dans la cavité buccale peuvent amener le patient à signaler une otalgie8,9. Le nerf du trijumeau (NC V) transmet la sensation à la fois à l’oreille et aux surfaces muqueuses de la cavité buccale. Cette voie partagée fait en sorte que l’infection et les troubles inflammatoires de la cavité buccale se manifestent cliniquement par une otalgie, comme l’ulcération aphteuse et les cancers9. Un examen attentif des membranes muqueuses de la cavité buccale devrait être effectué chez tous les patients souffrant d’otalgie. Comme ces lésions sont aisément visibles à l’examen de la bouche, il n’est pas nécessaire de recourir à l’imagerie. Si un cancer est soupçonné comme étant la cause de l’ulcération des muqueuses de la bouche, il y a lieu d’envisager des biopsies et une demande de consultation en otorhinolaryngologie.

Pathologies dentaires. La cause la plus fréquente du mal d’oreille de source non otologique est une pathologie dentaire. L’oreille, les surfaces muqueuses de la cavité buccale et la dentition ont une origine embryologique commune dans le premier arc branchial et une innervation partagée par l’intermédiaire de la voie neurale du NC V10. Comme les branches maxillaires et mandibulaires du NC V alimentent les membranes muqueuses de la bouche, les gencives et la dentition, la pathologie dentaire se manifeste souvent sous forme de mal d’oreille étant donné l’innervation conjointe.

Plusieurs facteurs potentiels contribuent à l’origine dentaire de l’otalgie, y compris la pulpite, la parodontite apicale et la péricoronarite. La douleur pulpaire survient à la suite de l’inflammation de la pulpe dentaire qui peut se produire en raison de blessures thermiques, chimiques ou infectieuses. La cause la plus courante de la pulpite est la carie dentaire10. La parodontite apicale résulte d’une pulpite irréversible, de la nécrose de la pulpe, et de l’extrusion subséquente de matière nécrotique et inflammatoire dans les tissus parodontaux apicaux10. Enfin, la péricoronarite se produit en raison d’une inflammation et d’une infection dues à l’accumulation d’aliments et de plaque bactérienne dans l’espace entre la couronne de la dent partiellement exposée et le lambeau sus-jacent des tissus mous des dents de sagesse. Ces diagnostics précis, surtout lorsqu’ils sont chroniques, peuvent causer une irradiation de douleur vers l’oreille8,10.

Si une cause dentaire de l’otalgie est suspectée, les cliniciens peuvent inspecter la cavité buccale à la recherche de caries dentaires et de tissus mous œdémateux. La palpation des gencives et des dents peut aider à faire la distinction entre une pulpite et une parodontite apicale10. Les cliniciens peuvent aussi envisager de tapoter les dents avec un doigt ganté ou l’extrémité contondante d’un instrument, comme un miroir de dentiste, et de percuter les faces incisives et occlusales des dents pour tester la douleur ou une sensibilité accrue11. Il convient de signaler que ces présentations sont difficiles à diagnostiquer avec précision en milieu de soins primaires, et les patients qui nécessitent une investigation et une prise en charge plus approfondies d’une otalgie dont les causes sont probablement d’origine dentaire devraient faire l’objet d’une demande de consultation en chirurgie dentaire.

Troubles temporo-mandibulaires. L’expression troubles temporo-mandibulaires est utilisée pour classifier une pathologie liée à un large groupe de problèmes musculosquelettiques et neuromusculaires de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM), des muscles de la mastication (ptérygoïde interne, ptérygoïde externe, muscles masséters et temporaux) et de leurs structures connexes. Ces troubles touchent 15 % des adultes et 7 % des adolescents, et ils représentent le problème de douleur bucco-faciale le plus commun12. Les causes des TTM incluent un traumatisme direct à la mandibule ou à l’ATM, un traumatisme indirect (p. ex. blessure par accélération-décélération, ouverture prolongée de la bouche durant une intervention dentaire ou chirurgicale), des microtraumatismes répétitifs (p. ex. se ronger les ongles, bruxisme) et des facteurs systémiques (p. ex. hypermobilité de l’articulation, arthrite inflammatoire). Le bruxisme est un facteur fréquent de prédisposition et d’exacerbation des TTM, et près de la moitié des patients souffrant d’un TTM signalent des antécédents de bruxisme12.

Trois principales caractéristiques sont associées aux TTM : la douleur articulaire ou liée aux muscles de la mastication, des bruits de l’articulation (claquement, grincement, bruit de friction) et le trismus. La douleur liée aux TTM est souvent décrite comme étant diffuse, située autour de l’articulation de la mâchoire, irradiant souvent jusqu’à la tempe et descendant jusqu’au cou. La douleur se manifeste souvent de diverses façons, notamment une otalgie sourde, qui peut être associée à une sensation d’oreille bouchée, des céphalées ou une douleur faciale. Le bruxisme nocturne entraîne souvent des douleurs plus intenses le matin qui s’estompent durant la journée, tandis que le serrement de mâchoire ou le bruxisme lié au stress durant le jour cause des douleurs la nuit.

Il y a lieu de faire un examen ciblé de l’ATM chez les patients dont la cause suspectée de l’otalgie est un TTM. Les cliniciens doivent évaluer la sensibilité à la palpation des muscles de la mastication tant en position décontractée que lorsque la mâchoire est serrée12. Les muscles ptérygoïdes externes et internes peuvent être palpés de l’intérieur de la bouche pour évaluer la sensibilité des muscles masticatoires (Figure 1). L’ampleur de la mobilité de l’ATM peut être évaluée en vérifiant la présence de mouvements latéraux anormaux de la mâchoire inférieure lorsque la bouche s’ouvre et se ferme. Il faut aussi déterminer la présence d’un trismus, qui pourrait être causé par un déplacement antéro-interne du ménisque de l’articulation. Dans l’évaluation des patients chez qui le bruxisme est soupçonné comme la cause du TTM, les cliniciens devraient être à la recherche des caractéristiques courantes évoquant le bruxisme, y compris les bords usés des incisives, les surfaces occlusales des molaires aplaties, le festonnage des bords latéraux de la langue et les sillons sur les muqueuses buccales à la ligne de l’occlusion. Le fardeau diagnostique des TTM repose sur l’habileté des cliniciens à faire l’anamnèse et à effectuer un examen physique, parce qu’il n’y a pas de rôle systématique de l’imagerie dans l’investigation des TTM. Les cas où l’imagerie est indiquée incluent un déplacement soupçonné d’un disque, une inflammation ou l’arthrite intra-articulaire possible, l’échec à un traitement médical ou une réponse médiocre à la thérapie, de même que la planification d’une intervention chirurgicale par un chirurgien buccal et maxillo-facial.

Figure 1.Figure 1.Figure 1.

Zones des muscles ptérygoïdes interne et externe à palper à l’intérieur de la bouche pour évaluer la sensibilité liée à l’otalgie : «A» indique la zone pour la palpation supérieure et postérieure derrière les dernières molaires, pour localiser le muscle ptérygoïde externe; « B » indique la zone pour la palpation inférieure et postérieure de la cavité buccale le long de la partie interne de la mandibule, pour localiser le muscle ptérygoïde interne.

Le traitement des patients souffrant d’un TTM repose sur une thérapie conservatrice. Le traitement dans cette population de patients a pour but de réduire la douleur, de restaurer le fonctionnement et d’améliorer la qualité de vie. Les patients souffrant d’une douleur myofasciale sans la présence d’une nette dysfonction articulaire bénéficient d’une prise en charge conservatrice comportant des compresses chaudes, des exercices isométriques de la mâchoire et des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ces patients peuvent aussi tirer des bienfaits de thérapies auxiliaires. Les médecins peuvent envisager une demande de consultation en physiothérapie spécialisée en TTM ou auprès d’un dentiste pour l’ajustement d’un protège-dents visant à combattre le bruxisme nocturne. Ils peuvent aussi faire appel à une thérapie cognitivocomportementale pour les troubles de l’humeur qui contribuent au grincement et au serrement de la mâchoire. Une injection de corticostéroïdes guidée par imagerie dans l’espace inférieur de l’articulation est indiquée lorsque la douleur est une caractéristique prédominante et que l’imagerie démontre une ATM anormale. Pour les patients qui ne répondent pas à la thérapie conservatrice, une demande de consultation en chirurgie buccale et maxillofaciale peut être envisagée en vue d’une intervention chirurgicale.

Pathologies de la colonne cervicale. Les causes liées à la colonne cervicale passent souvent inaperçues comme sources possibles d’une otalgie référée13. Chez les patients affectés, la douleur est habituellement décrite comme étant constante et située derrière ou sous l’oreille, et elle est exacerbée lors des changements de posture13. Les pathologies de la colonne cervicale liées à une otalgie référée sont souvent dues à des maladies dégénératives de la colonne, notamment l’arthrose, la spondylose, le syndrome des facettes cervicales et une hernie ou une sténose aux vertèbres cervicales. Parmi les autres causes d’une otalgie liée à une pathologie de la colonne cervicale figurent les traumatismes au cou, comme le coup du lapin13. L’otalgie causée par une pathologie de la colonne cervicale peut s’améliorer au moyen de la physiothérapie, comme la stabilisation cervico-thoracique et des programmes de conditionnement aérobie12. Un échec des mesures conservatrices peut justifier une demande de consultation spécialisée en colonne vertébrale pour une évaluation5.

Sinusite. L’innervation croisée entre les sinus maxillaires et ethmoïdes9 et l’oreille par l’intermédiaire du nerf trijumeau présente une autre source possible d’otalgie référée. Les patients souffrant de sinusite aiguë ou chronique peuvent ressentir une douleur sourde et épisodique, irradiant vers l’oreille14. En outre, une polypose nasale sévère peut entraîner une otalgie et une plénitude auriculaire en raison de l’obstruction de la trompe d’Eustache15. Les patients dont la sinusite est la cause de l’otalgie présenteront aussi des symptômes nasaux, dont une congestion ou une obstruction nasale, une rhinorrhée (claire ou purulente), de la douleur ou une pression au visage et de l’hyposmie14. Les investigations et la prise en charge de ces patients devraient comporter une imagerie appropriée. L’imagerie n’est pas recommandée pour les patients chez qui l’on soupçonne une sinusite aiguë. La tomodensitométrie sans contraste des sinus est le mode d’imagerie recommandé pour les patients qui souffrent de sinusite chronique16. Il y a lieu d’envisager une médication appropriée pour les patients qui ont une sinusite aiguë ou chronique, incluant des vaporisateurs de corticostéroïdes intranasaux, des analgésiques en vente libre et l’irrigation nasale avec saline. Dans les cas de sinusite bactérienne aiguë ou réfractaire, des antibiotiques peuvent être envisagés17. Il peut aussi être avisé de demander une consultation en otorhinolaryngologie pour traiter les patients soupçonnés d’avoir une sinusite chronique et qui répondent mal aux options de prise en charge conservatrices.

Infection des voies aériennes supérieures et reflux laryngopharyngien. Une inflammation, une infection ou une irritation chronique des voies aériennes supérieures peut entraîner une douleur référée à l’oreille en raison des voies neurales conjointes avec les nerfs glossopharyngien et vague. Les causes infectieuses (p. ex. amygdalite ou pharyngite récurrente) peuvent se manifester par une otalgie référée, parallèlement à d’autres symptômes comme un mal de gorge, une odynophagie, une dysphagie et un trismus. Le médecin responsable devrait prescrire une antibiothérapie qui tient compte des organismes bactériens en cause.

Une irritation des muqueuses des voies aériennes supérieures peut aussi se produire à la suite d’un reflux laryngopharyngien (RLP). Cette entité clinique est secondaire à un reflux rétrograde de substances acides venant de l’estomac vers les voies aériennes supérieures, causant une irritation des tissus avoisinants. L’irritation des tissus peut provoquer une irritation subséquente des nerfs glossopharyngien et vague, ce qui en retour se traduit par une douleur référée à l’oreille15. Si des symptômes comme des brûlures d’estomac ou la régurgitation d’acide peuvent inciter un clinicien à poser un diagnostic de reflux, un RLP isolé peut être plus difficile à diagnostiquer en raison de symptômes non spécifiques associés à la tête et au cou comme la dysphonie, le mal de gorge, la toux chronique, le syndrome du globus et l’otalgie. Des thérapies appropriées devraient être prescrites, et une demande de consultation pour la prise en charge du reflux acide devrait être envisagée pour les patients dont la cause soupçonnée de l’otalgie référée est un RLP.

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